Après douze mois de partage riche de sens
Il y a un an, j’ai créé cette newsletter.
J’avais Faim de sens.
J’avais besoin d’écrire, de partager, de réfléchir à voix haute.
Je ne savais pas où j’allais, mais il fallait avancer pour que la route se dessine sous mes pas.
Je me suis perdue parfois, j’ai erré un peu.
Mais la route était bien là.
Alors, j’ai continué.
Préparer cette lettre chaque mois a été une source immense de plaisir.
La partager avec vous m’a apporté beaucoup de joie.
Et vos retours, si précieux, m’ont remplie de gratitude.
Je ne suis pas arrivée à une destination précise, mais je me sens riche de cette expérience, grâce à vous. J’aime à penser que vous aussi, vous avez trouvé quelque chose de précieux dans ce que j’ai transmis cette année.
Pour la suite, tout est encore en suspens.
Quelque chose se termine, c’est certain.
Mais quelque chose d’autre s’ouvre.
Avec toute ma gratitude,
Gabriella Tamas
Depuis des mois, je n’arrivais plus à peindre.
J’ai étudié la technique de l’aquarelle pendant des années. J’ai participé à divers stages, travaillé avec des artistes pour apprendre leur manière de faire, leur façon d’apprivoiser l’eau, le mouillé, comme on dit.
Je peux réaliser à présent des aquarelles d’un niveau technique satisfaisant. J’ai reçu des encouragements pour continuer, exposé mes œuvres, mais malgré tout… je n’arrivais plus à peindre.
J’avais perdu le goût de l’aquarelle.
J’avais perdu ma fluidité et ma transparence.
J’avais même perdu l’envie de tenir un pinceau.
Dans ces années contaminées par tant de haines, d’incompréhensions et de méfiances, le seul lien qui subsistait entre moi et la peinture était la calligraphie.
Noir et blanc.
Le kanji, déjà tracé.
Des gestes expliqués, une structure donnée.
L’ordre, précis : trait un, puis trait deux, puis trait trois.
Pas de complications, pas de planification.
Pas d’études ou d’esquisses.
Juste moi et mon souffle, mon énergie, transformés en un trait d’encre ébène sur du papier de riz translucide.
Et pourtant, j’enrageais.
Je fixais ces traits d’un noir profond sur le papier de riz, fruits de mes exercices. L’odeur des pins calcinés, émanant du bâtonnet d’encre, me piquait les narines. C’était sûrement pour ça que ma vue se brouillait. Mais même à travers les larmes, je voyais tout.
Je voyais les tremblements. Les hésitations. Le manque de confiance.
Je me voyais. Et j’enrageais.
Quelques mois plus tard, lors d’un stage de peinture, j’écoute l’introduction d’Emmanuelle.
“Nous peignons parce que quelque chose rode en nous, et nous tentons de lui donner forme sur le papier ou la toile” - dit-elle, animée, les mains agitées par une énergie solaire.
Ses mots trouvent mon cœur figé dans le noir et blanc, et commencent à le réchauffer.
“Nous expérimentons, reprend-elle, et, la plupart du temps, nous échouons à exprimer ce qui nous tourmente ou ce qui surgit. Mais, parfois, un moment survient où nous reconnaissons un fragment de ce qui nous habite dans ce que nous avons créé. Voilà ce qu’est un tableau. Ce n’est pas une prouesse technique, ni une composition parfaite. C’est un morceau de nos émotions, qui se manifestent dans la couleur, la forme, la construction, la tension ou la douceur."
Peut-être que cette œuvre ne parlera pas aux autres. Mais si elle nous parle à nous, c’est tout ce qui compte.”
Ses mots résonnent en moi, comme un écho vibrant.
"Mais oui, c’est exactement cela !"
Mes doutes, mes hésitations, ma fatigue… tout transperçait mes peintures. Et j’étais en colère de les reconnaître.
Je voulais les cacher.
Je voulais me cacher.
Mais je ne pouvais pas.
Même derrière un simple trait noir, tout était visible.
Rageant.
Puis, petit à petit, la rage s’en est allée.
J’ai réussi à donner forme à la colère, à la poser sur le papier. Et sans que je m’en aperçoive, elle s’est dissipée. À sa place, est née une nouvelle émotion : la curiosité.
Quelque chose rode à l’intérieur, et maintenant, je suis curieuse de le voir naître. Une fois couché sur le papier, cela devient plus clair. Je commence à comprendre à quoi j’ai affaire.
Alors, j’écoute. Je regarde. Je laisse ma main travailler, sans trop intervenir. Je ne force rien. Pas encore, pas aujourd’hui. Je m’efforce simplement de m’intéresser. D’observer où tout cela me mène. Quelle forme la peinture prend. Quelle couleur semble manquer, ou laquelle semble de trop.
J’essaie différentes choses. Avec l’acrylique, tout est facile à corriger. J’explore. Et je ressens. Si cela ne me convient pas, je corrige.
C’est facile de peindre quelque chose de photographique. Les décisions sont déjà prises, les choix sont faits, le cadre est clair.
C’est bien plus difficile de peindre le monde intérieur. Du moins, pour moi.
Alors, je continue à chercher ma voie. Je cherche ma voix. Je ne l’ai pas encore trouvée, mais la seule chose que je peux faire, c’est continuer.
Continuer à peindre.
À écrire.
"Je marche pour savoir où je vais," avais-je écrit en janvier 2024.
Aujourd’hui, je réalise : j’écris pour savoir où j’en suis, et je peins pour découvrir mes couleurs.