De "Ouf, on a survécu", à la gratitude de l'avoir vécu
Pour autant que je m’en souvienne, j’attendais Noël avec impatience.
J’attendais que les sombres et interminables journées de décembre où le soleil se couche à 15h30 débouchent sur la soirée du 24, remplie de la lumière chaude des bougies, et de l’odeur des noix et de la cannelle.
A six ans je me languissais de recevoir mes cadeaux ; à dix ans j’attendais de voir les visages des membres de ma famille quand ils ouvraient mes paquets emballés d’une main maladroite et qui abritaient mes œuvres de tricot, de couture, ou mes dessins. A quatorze ans j’attendais les vacances et le voyage au ski avec les copains ; à vingt-cinq ans je préparais mes pains d’épices pour régaler ma nouvelle famille dans mon nouveau pays, avant d’arriver à trente-huit ans dans un sentiment désabusé où j’écrivais sur les réseaux sociaux que je n’avais pas envie de Noël.
Je n’avais pas envie de ce rush, des sapins dans les magasins dès novembre (heureusement qu’entre-temps la mode de Halloween était arrivée, autrement nous aurions eu des sapins dès le 15 novembre partout, je crois), je détestais la sensation que moi, je prépare avec soin et réflexion mes cadeaux, faits main, et que d’autres allaient dans le premier magasin venu le 24 au matin pour acheter le premier truc qui leur tombait sous la main, que je doive réfléchir sur la cuisine, les petits gâteaux, le repas de famille, aller à la ferme, apporter la bûche, penser aux cadeaux de mes enfants, les habiller, emballer les cadeaux, envoyer les cartes postales… et j’en passe et des meilleurs.
La magie de Noël s’est transformée en un gros monstre dont, dès qu’on lui coupe une tête, trois autres surgissent inévitablement. Ajouté à cela quelle que soit ma façon de me préparer, avec les listes, dès septembre, avec les dimanches de l’Avent, pour les petits gâteaux, inévitablement le 26 au matin j’avais une sensation de vide, comme si j’avais couru un marathon mais que j’aurais loupé la ligne d’arrivée... comme si j’étais passée complètement à côté des fêtes.
“La magie de Noël s’est transformée en un gros monstre dont, dès qu’on lui coupe une tête, trois autres surgissent inévitablement. “
Pendant ces dernières années, je faisais ce qu’il fallait, je souriais, je cuisinais, j’allais à la ferme, j’emballais les cadeaux et je n’avais qu’une hâte : que ça se termine. Jusqu’à l’année dernière je pensais que c’était normal de ressentir cela : je me remémorais les grandes disputes incontournables de mes parents le 24, le visage fermé de ma mère, la joie manquante, les soirées de famille ratées où tout le monde fait des efforts et mais où ça dérape quand même, les tentatives de musique en commun, les jeux de société, l’organisation culinaire, qui n’ont, au final, jamais empêché ce sentiment de « à quoi bon » mélangé à un « ouf, nous avons survécu ».
Cette année, dès novembre, quelque chose s’est passé en moi. Déjà, j’étais occupée avec une exposition communale, puis avec l’organisation des dix-huit ans de ma fille (fêtés à plusieurs reprises, bien sûr : copains du collège, copains du lycée, copains d’université, famille). Donc je n’avais pas la tête à Noël. Puis, je n’avais pas d’argent : une période de calme s’est invitée dans ma vie professionnelle, que j’ai accueillie avec gratitude et qui m’a aussi permis de mieux apprécier les journées de formation et de quelques clients en consultation véritablement motivés à l’approche des fêtes. J’utilisais ce temps à bon escient : pour ne RIEN faire. Dans ce Rien il y avais beaucoup de marche, d’observations à travers la fenêtre pour guetter les quelques rares rayons de soleil, ou les nuages changer de couleur selon le moment de la journée, j’apprenais leur noms et leurs différences d’altitude. J’écoutais les oiseaux discuter dans la haie, j’observais leur allers-venues à l’approche d’un chat ou l’aboiement du chien des voisins.
Une Solitude rayonnante, ponctuée de moments de travail ou de famille, de repas et de sommeil. Et pas mal d’art : écriture, peinture, ou simplement des pensées à ce que je pourrais faire : des réflexions sans but, sans objectifs précis en tête, quelque chose d’informe mais en même temps de réjouissant. De temps en temps un dessin ou une peinture en émergeaient, mais ils se laissaient laissés naître au monde lentement, tranquillement, avec des avancées et des reculs, sans prise de tête.
Lors des marches, j’observais la rivière monter, descendre, les oiseaux partir, les feuilles tomber. Je m’imprégnais de leur rythme, de leur patience et de la douce joie de simplement suivre le courant de la vie, d’aller au rythme de la nature et de faire ce qu’il y avait à faire selon ces lois immuables, sans discuter, sans réfléchir. J’écoutais et j’apprenais. J’écoutais la pluie battre le velux, le vent qui se transformer en tempête plus d’une fois, la chute douce des feuilles du mûrier du jardin, des trilles rares des oiseaux et j’observais les rares fleurs courageuses qui osaient encore éclore. Cette lenteur s’est immiscée dans mes cellules, en continuant de les bercer même quand le travail a repris début décembre, et je crois bien que c’est cette expérience vécue au ralenti qui m’a permis de continuer sur cette lancée. Comme un socle, ou plutôt un lit de rivière, qui accueille l’eau qui monte et qui descend au gré des précipitations, j’embrassais les journées mouvementées, tout comme les pauses.
Sans to-do liste, sans pression, sans idées préétablies sur l’ordre des choses, je suivais mon rythme intérieur et le flot de mes envies. Pour la première fois, je ne m’inquiétais pas du résultat. Je ne prévoyais pas la cuisine, je ne visualisais pas le visage de mes proches en ouvrant les cadeaux. Je vivais l’instant présent, à fond, littéralement. Pour la première fois sur une période étendue, j’ai vu la différence entre essayer d’arriver quelque part et y être. J’ai déjà connu cette sensation de manière fugace lors des médiations, de mes formations de pleine conscience, mais comme si c’était juste pour me miroiter dans le lointain quelque chose qui, hormis de rares exceptions, m’était inaccessible. Cela dit, ces rares moments était tellement pleins de sens et de lumière que je continuais volontiers à pratiquer, en espérant qu’à un moment ce flow s’inviterait de nouveau. J’y ai eu aussi accès lors de mes activités artistiques, lorsque je réussissais une œuvre dans le but unique du plaisir et non pas par nécessité d’exprimer quelque chose ou dans le but d’un objectif de résultat : obtenir un bon tableau.
Cet état de grâce où je suis présente et où justement cette présence me donne la possibilité de flotter, de glisser, de monter et de descendre avec les vagues, au gré des énergies et événements qui se présentent, est là depuis cette période « d’inactivité » bénie. Et chose inattendue, il a demeuré pendant la période de Noël.
Je n’ai aucun mérite, je n’ai rien fait pour. Je me suis juste plongée au cœur de mon envie d’hiberner, d’être seule, au milieu de mon travail et de ma famille, et j’ai accueilli ce qui se présentait, en lui donnant un câlin affectueux, même s’il s’agissait d’un méchant rhume ou de l’agitation extérieure.
Pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression que je ne suis pas passée à côté de Noël.
Je l’ai vécu.
Pourtant, tout était simple. Même très simple. Un cadeau par personne. Une bûche pour la grande famille. Un plat pour notre propre célébration. Un peu de déco, mais pas trop. Un peu de gâteaux, mais pas trop. Mais beaucoup de présence et de conscience. Pour la première fois de ma vie, à 46 ans, je ne suis pas passée à côté de Noël. Je l’ai vécu. A fond.
Quel enseignement en tirer ?
Je me garderais bien d’ en énoncer un. Comme je l’ai dit, je n’ai rien « fait » pour. J’étais juste là, en accueillant avec beaucoup de gratitude ce qui se présentait. Pas de recette miracle, pas de conseil. Juste un témoignage. Pour allumer des lueurs d’espoir : c’est possible. Je garderai juste cette certitude. Tout est possible, même si pendant 45 ans c’était bien différent.
Quelle est votre expérience avec ce type de présence ?
Comment avez-vous vécu les fêtes de fin d’année 2023 ? Est-ce que c’est facile ou difficile pour vous de rester connecter à l’instant présent pendant cette période ?
Quels sont les moments propices pour vivre dans l’instant présent ?
Je serai ravie de lire ou d’entendre votre expérience.
Gabriella
Un pas plus loin vers vous-même et vers la vie que vous souhaitez vivre.
Gabriella Tamas, thérapeute, auteure, formatrice.
Je suis passionnée par l’accompagnement dans le changement et par l’apprentissage. Au fil de mon travail dans le domaine de l’alimentation, j’ai aidé des milliers de personnes à trouver la voie alimentaire qui leur convient, j’ai développé des programmes de pleine conscience et des cours en ligne pour des groupes, formé des centaines de professionnels ; à travers un livre co-écrit avec Chine Lanzmann j’ai aidé nos lecteurs à mieux se connaître et à se poser les bonnes questions. Je me suis formée à la thérapie narrative en 2019, dans le but de mieux accompagner mes clients non seulement dans des problématiques alimentaires, mais également dans les situations de vie difficile.
Multiculturelle dès l’enfance, ayant vécu dans différents pays et pratiqué différentes professions en changeant plusieurs fois de voie, je suis convaincue que notre diversité est notre plus grand bien commun, dont il faut prendre soin au niveau individuel et au niveau de la planète. Ma pratique est à l’image de mon expérience : unique, avec sa propre histoire et ses propres sensibilités, avec des démarches et des outils variés, qui peuvent être utilisés au choix suivant le contexte et les besoins qui se font sentir.
Mes sujets de prédilection :
- écologie et nature
- cuisine et alimentation individualisée
- pleine conscience et créativité
- haute sensibilité et multiculturalité
- lecture et écriture
- expatriation et langues
- liens et ponts
- corps et âme
- curiosité et apprentissage
- voyage vers Soi
- burnout et transformation
- slow life et DIY
- marcher pour savoir ou je vais
Et toute autre chose qui capte mon attention en chemin.
Prêt(e) pour l’aventure ?
Allons-y !